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L’oreille cassée, une aventure inopinée.

En novembre 2013, je pars au Pérou rencontrer un thérapeute pour mon oreille sourde. A mon arrivée je tiens à peine debout, victime de vertiges dans l’avion. Il me faudra dix jours pour lever la tête et marcher normalement.

Las de me sentir cloisonné dans un malaise qui m’empêche de communiquer avec les autres, je commence à photographier des paysages et des statuettes anciennes, sujets muets qui ne me demandent ni comment je vais ni d’où je viens. Je suis totalement émerveillé par ces montagnes et ces vallées si denses, si profondes, si vivantes. La pierre semble vibrer, tout comme les arbres qui respirent et l’eau qui bruisse.

Enfin, je peux redresser la tête et sourire aux gens que je rencontre. Comme pour mieux tendre l’oreille, je me rapproche considérablement de mes vis-à-vis. Je photographie. Mon appareil photo est devenu myope par analogie et je ne m’en aperçois même pas. De près, je découvre de nouveaux paysages. Comme si leurs visages révélaient une certaine correspondance avec le murmure des éléments de cette nature : montagnes, brume, rivières, vallées. Comme si leur regard éloquent pouvait rompre le silence de ces statuettes incas, de bois ou de terre cuite, ridées et centenaires ; ou encore amplifier le chuchotement des murs de leurs cités ancestrales.

Je n’ai plus jamais eu de vertiges. Même avec une oreille encore cassée.